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DECLINES

Ils étaient bons, pieux, bienveillants et honnêtes. Ils ne manquaient jamais une messe ni l'occasion d'offrir un repas ou le gîte à un nécessiteux. Pourtant IL ne les avait pas épargnés. J'ai cru en lui, je l'ai prié, j'ai même porté ses paroles dans toutes l'Italie, pensant aider les âmes des croyants et leur apportant une protection divine. Mais personne n'échappe à la mort, aussi violente et prématurée soit-elle. Pourtant je me suis senti trahi à cet instant. Récompensé de ma dévotion par la perte de ce que j'avais de plus précieux. Je suis resté deux jours face à ces tombes. Sur les genoux, recroquevillé, sans trouver la force de me relever. J'aurais pu me laisser mourir. Mais heureusement pour moi, si l'on peut dire, une bande de villageois passât par là. Ils me ramassèrent pour m'emmener dans la vielle auberge du village. Après de maintes tentatives de leur part, j'acceptais enfin de manger et boire. Pourtant, j'avais perdu le désir de vivre et chaque jour qui se levait, le désir de faire cesser mon existence grandissait. En même temps que ma haine pour ce Dieu injuste. Alors dans mon esprit avait germé une idée. Quitte à prendre ma propre vie, autant le faire de la façon la plus impie.

 

J'ai commencé par l'alcool, dilapidant les quelques biens qu'il me restait pour satisfaire mon ivresse et mon besoin d'oublier. M'endettant dans presque toutes les auberges et autres débits de boisson de Florence. Puis rapidement vinrent les femmes. Beaucoup de femmes que je ne voyais que comme des instruments de blasphème, des démons de la luxure destinés à souiller davantage mon âme. Mais au bout d'un moment, l'argent vint à manquer et je ne pouvais plus entretenir mon vice. J'ai donc commencé à voler, piller, arnaquer sans pitié tous ceux qui croisaient mon chemin. Chaque fois que je me retrouvais dans une bagarre, j'espérais secrètement recevoir un coup fatal. Chanceux dans ma malchance, je me réveillais chaque matin avec des bleus, la bouche sèche, une migraine et une nouvelle inconnue à mes côtés.

 

Le dernier soir de ma vie en tant qu'humain a commencé de la même manière que les autres. J'avais rejoint un coin miteux dans les bas-fonds de Florence. Là où même les soldats n'osaient pas mettre les pieds. Je me suis installé au comptoir et j'ai bu toute la soirée durant. Enfin, jusqu'à ce que le tôlier se rendre compte du fait que je n'avais pas de quoi payer toute mon ardoise. Tout ce dont je me souviens ensuite, c'est d'avoir été jeté dehors sans ménagement et d'avoir titubé dans les ruelles jusqu'à croiser une femme. Sans la moindre hésitation, je me suis approché d'elle. Du moins j'ai marché maladroitement dans sa direction jusqu'à l'agripper par la taille. A cette époque, je n’étais pas ce qu’on pouvait appeler un « gentleman » et, l'alcool n'aidant pas, mes manières étaient loin d'être civilisées surtout envers la gente féminine. Pourtant, cette femme n'avait pas réagi de façon agressive, ou dégoutée à la vue du pauvre bougre que j'étais. Je me rappelle même une expression de pitié sur son visage, chose qui avait eu le malheur de provoquer chez moi une colère fulgurante. Je l’agrippais plus fort, lançant à son encontre toute sorte d’insultes dégradantes avant de me rendre compte qu’elle était bien plus forte que moi. A ce moment je me pensais simplement trop ivre pour être capable de riposter mais à la vue de son regard luisant et des crocs qui passaient ses lèvres, je compris que mon vœu funeste allait être exaucé. J'ai d'abord tenté de me débattre quelques secondes, par réflexe, avant de finalement me laisser faire. La douleur de la morsure ajoutée à la sensation du sang et de la vie qui quittait mon corps semblait étrangement apaisantes à cet instant. Une paix qui fut interrompue un bref instant par un bruit sourd suivit du contact de mon corps sur le sol. Les yeux fermés, j’ai alors prié pour la dernière fois : Faites que je ne me réveille pas demain.

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